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Fin de vie : Christine s’est éteinte par une mort volontaire assistée en Suisse

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Publié le
28 octobre 2025
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Le 24 avril 2025, à Liestal en Suisse, Christine s’est éteinte par une mort volontaire assistée (MVA). Ce voyage demeure pour moi un moment profondément marquant, une expérience particulière, chargée d’émotion, concrétisant l’aboutissement d’un long combat et l’accomplissement de sa volonté la plus intime – partir consciente, digne et libre.

Une femme déterminée 

Depuis longtemps, Christine avait fait de la fin de vie un combat personnel. Membre active de l’ADMD, elle affirmait avec force qu’une vie sans autonomie n’avait pas de sens pour elle. Sa maladie de Parkinson progressait, elle ne voulait pas subir ce déclin inévitable, perdre son autonomie, sa dignité, et s’éteindre sans maîtrise de ses choix. La mort tragique de son fils Nicolas, à l’âge de 27 ans, avait marqué son existence d’une douleur irréversible.

Attachée à la Corse, à sa famille et à sa liberté, elle refusait que sa vie se réduise à la souffrance. Parkinson avait bouleversé son quotidien, et les dernières années avaient été particulièrement éprouvantes : douleurs irrépressibles, tremblements épuisants, dysfonctionnements internes (reins, intestins, élocution…), des douleurs neuropathiques persistantes, et des déplacements devenus très difficiles. Malgré tout, ses facultés cognitives restaient intactes, et elle s’opposait fermement à ce que la dépendance et la douleur viennent dicter sa fin de vie.

S’offrait alors à nous le choix de la Suisse ou de la Belgique, mais elle opta pour la Suisse, pour sa méthode – une injection létale à activer soi-même à l’aide d’une molette – et pour la possibilité de prendre un vol direct depuis la Corse, ce qui facilitait son déplacement.

Trois années de lutte

Ce choix, pourtant limpide pour elle, s’est transformé en un long parcours du combattant. 3 ans de démarches auprès de l’association PEGASOS. 3 années à remplir des formulaires, à chercher des certificats médicaux, à relancer sans cesse. 3 années de doutes, de découragements, mais aussi de détermination.

Sans un entourage motivé et solide, il serait presque impossible de surmonter l’ensemble des démarches et exigences nécessaires pour parvenir à cette MVA. J’ai partagé ce combat avec Claude, sa collaboratrice. Ensemble, nous avons porté les démarches, soutenu son énergie, apaisé ses colères et ses découragements. Ce fut un travail administratif colossal, mais aussi un soutien émotionnel constant.

À cela s’ajoutait un obstacle désolant : le coût. 10 000 euros pour la procédure MVA en Suisse, sans compter le voyage et l’hébergement sur place. Une somme considérable, qui interroge profondément. Comment accepter qu’un droit aussi fondamental soit conditionné par la capacité financière ? Mourir dans la dignité devrait relever d’un choix humain, pas d’un privilège réservé à ceux qui en ont les moyens. Cette barrière financière illustre à elle seule l’injustice qui entoure encore aujourd’hui la question de la fin de vie.

Le dernier voyage

Finalement, le jour tant redouté du départ est arrivé. Nous avons pris la route vers Liestal avec Tony, son mari. Sa fille, Anne-Laure, trop éprouvée, n’a pas eu la force de faire ce voyage : voir sa mère partir aurait été au-delà de ses forces.

L’accueil de PEGASOS fut humain et rigoureux. La veille de la MVA, un médecin est venu nous rencontrer. Il a pris le temps d’expliquer concrètement les étapes du lendemain, rappelant que, jusqu’au bout, Christine pouvait renoncer si elle le souhaitait. Ce moment fut particulièrement fort émotionnellement : il rendait l’étape ultime tangible, proche, irréversible (mais encore choisie).

Ses derniers mots

Le lendemain matin, après une soirée à échanger et à partager tant de souvenirs, et après une bonne nuit de sommeil pour elle, ses dernières paroles furent à son image : lucides, déterminées, paisibles.

« Merci, grâce à toi je peux partir en toute sérénité, et surtout en femme libre. »

Je ne les oublierai jamais. Dans cette phrase, il y avait tout : sa gratitude, sa confiance, la certitude d’avoir pu garder la main jusqu’au bout. Il y a dans ce moment une profonde satisfaction : voir sa volonté respectée et qu’elle puisse partir selon ses choix, en toute conscience.

La douleur de la perte reste immense mais elle s’accompagne d’un sentiment intense : avoir pu exaucer son souhait et la voir partir sans souffrance, fidèle à ses valeurs.

Aujourd’hui, ce voyage demeure pour moi un témoignage de reconnaissance et de liberté.

Mais cela révèle aussi une profonde injustice : pourquoi faut-il franchir une frontière et dépenser des sommes considérables pour respecter un droit fondamental ? La France doit évoluer. La loi sur la fin de vie devrait être discutée au Sénat fin 2025. Espérons qu’elle ouvre enfin la possibilité d’un choix digne et égalitaire, pour que d’autres n’aient pas à affronter ce que nous avons traversé.

Le 24 avril 2025, à Liestal, Christine a quitté ce monde sereine, consciente et maîtresse de son destin. Elle laisse derrière elle l’image d’une femme courageuse et libre.


Pour ma part, je garderai toujours en mémoire ses remerciements, comme la plus belle preuve que nous avons tenu notre promesse : respecter sa volonté jusqu’au bout.

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