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120 ans de la laïcité – Journée d’étude organisée par la Vigie de la Laïcité

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Publié le
8 décembre 2025
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Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

L’Association pour le droit de mourir dans la dignité se bat depuis quarante-cinq ans pour que chacune et chacun soit libre de choisir sa mort. Cette liberté, qui touche au passage de la vie à la mort, est d’abord une liberté de conscience. Notre enjeu est simple : que la promesse de la loi de 1905 – neutralité de l’État, respect de toutes les convictions – vaille aussi au seuil de la mort.

Notre combat s’inscrit dans la lignée des grandes lois de progrès : IVG, dépénalisation de l’homosexualité, mariage pour tous, ouverture de la PMA. À chaque fois, il s’agit de desserrer l’emprise des dogmes sur les corps pour reconnaître à chacune et chacun le droit de décider pour sa vie.

En décembre 2022, 52 personnalités[1], d’Élisabeth Badinter à Raphaël Enthoven, avec nos administrateurs Pierre Juston et Jean-Louis Touraine, ont rappelé pourquoi ce combat est profondément laïque : parce qu’il vise à permettre, en fin de vie un choix libre et éclairé ; parce qu’il respectera la conscience de tous, patient comme soignant, avec une clause de conscience ; parce qu’il ne sera imposé à personne.

L’ADMD ne conteste à aucun croyant le droit de refuser pour lui-même toute aide à mourir ; nous voulons garantir le respect de toutes les consciences et de l’ensemble des droits des patients en fin de vie, par exemple le choix de refuser une sédation qu’ils ne souhaitent pas.

Si nous voulons précisément laisser chacun libre de choisir pour soi, les responsables religieux qui prennent la parole dans le débat cherchent, eux, à imposer à toute la société leur vision de la bonne mort. 

Depuis des mois, les mêmes responsables religieux multiplient tribunes et auditions, parlant de « bouleversement anthropologique », de « décivilisation », de « culture de mort », allant jusqu’à dire qu’il s’agirait de se débarrasser des « personnes non productives ». Qu’ils s’expriment, c’est leur droit. Qu’ils instrumentalisent la vulnérabilité des personnes malades pour prétendre qu’il faudrait les protéger contre elles-mêmes, c’est humainement et éthiquement regrettable. Mais que ce lobby religieux fasse pression avec tant de vigueur sur les parlementaires et l’opinion publique, c’est vraiment problématique. Aristide Briand l’avait dit, la loi doit protéger la foi, mais la foi ne peut dicter la loi.

Il faut rappeler aux organismes et médias catholiques conservateurs, qui prennent régulièrement l’ADMD pour cible, que nous comptons, parmi nos 85 000 adhérents, de nombreux croyants. Ils sont le reflet de la réalité sociétale, puisque les sondages[2] montrent qu’une majorité de croyants, pratiquants ou non, se déclarent favorables à une évolution de la loi.

Cette parole religieuse bénéficie d’une légitimité institutionnelle particulièrement forte sous ce quinquennat. Les dîners Elyséens sur la fin de vie ont connu de nombreux représentants des cultes, quelques soignants, et aucun malade. Dans quel État laïque convoque-t-on prioritairement des autorités religieuses pour évoquer une évolution de Code de la santé publique ?

On ne comprend pas cette influence si l’on oublie l’histoire. En France, les soins palliatifs se sont développés dans le sillage de congrégations comme les Dames du Calvaire, puis de la Maison médicale Jeanne-Garnier, qui revendique encore « un esprit de fraternité et de respect d’inspiration chrétienne ». De là est née la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, qui a beaucoup fait pour améliorer les conditions de fin de vie mais consacre aussi, depuis plus de trente ans, une grande part de son énergie à combattre toute idée d’aide à mourir.

Le contraste est frappant avec plusieurs de nos voisins européens, pourtant moins officiellement laïcs que nous, qui ont légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté. En Belgique par exemple, des prêtres[3] accompagnent spirituellement des personnes qui vont recevoir l’ultime soin qu’elles ont choisi.

Pour l’ADMD, la fraternité en fin de vie ne consiste jamais à savoir mieux que le malade ce qu’il veut pour lui-même. Elle consiste à accompagner au plus près le choix de celui qui vit la situation, en reconnaissant que la vulnérabilité n’abolit pas la capacité de juger, de discerner, de décider pour soi.

Cent vingt ans après la loi de 1905, se battre pour la laïcité, c’est donc aussi se battre pour que la liberté de conscience puisse s’exercer jusqu’à l’extrême limite de la vie. Pour que chacune et chacun puisse être rassuré sur le fait que sa mort ne lui sera pas confisquée.

 

[1] https://www.admd.org/articles/medias/droit-de-mourir-dans-la-dignite-combat-humaniste-laique-et-juste-52-personnalites

[2] Les chiffres disent tout autre chose que la peur entretenue par quelques porte-parole : 78 % des catholiques pratiquants, 95 % des catholiques non pratiquants se déclarent favorables à l’euthanasie. 73 % des pratiquants et 90 % des non-pratiquants au suicide assisté.

[3] Gabriel Ringlet, Vous me coucherez nu sur la terre nue. L’accompagnement spirituel jusqu’à l’euthanasie. Albin Michel, 2015

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