Aide à mourir : la qualité du reste à vivre, plutôt que la quantité - France Inter

La réflexion publiée hier, est celle de la Haute autorité de santé, à propos d’un des critères fixé par le projet originel pour bénéficier d’une aide à mourir : que le pronostic vital du patient soit engagé « à court ou moyen terme ». La formule avait laissé sceptiques pas mal de médecins : « Nous ne sommes pas des devins », disaient-ils.
Pourquoi ce « moyen terme » ? Parce que le court terme est inscrit dans la loi actuelle Claeys-Leonetti et que des patients qui ne sont pas condamnés à une mort imminente, dans quelques heures ou quelques jours, « ne rencontrent pas de solution [législative] à leur détresse », avait écrit le Comité consultatif national d’éthique dans son avis de septembre 2022. Le CCNE avait donc recommandé un « moyen terme » de quelques semaines ou quelques mois. Une échelle de temps reprise par la convention citoyenne sur la fin de vie, puis par le projet de loi déposé l’an dernier par le gouvernement, mais que les députés avaient remplacée par l’idée d’un « pronostic engagé en phase avancée ou terminale ».
Que dit la Haute autorité de santé ?
Elle donne raison aux médecins sceptiques et aux députés qui les ont suivis : l’idée d’un décès inéluctable à moyen terme n’a aucun sens. Il est impossible d’évaluer le temps qu’il reste à vivre à un malade grave et incurable. D’ailleurs, aucun autre pays européen n’a retenu ce critère de proximité à la mort, sauf en Autriche où c’est dans les six mois. Le Québec qui l’avait inscrit dans sa loi, y a depuis renoncé. Non, selon l’autorité, le critère à prendre en compte, ce n’est pas la durée, la quantité, c’est la qualité du reste à vivre, telle qu’elle est perçue par le patient. Cela revient à élargir le champ de la loi à des malades qui ne sont pas en fin de vie, avec une belle expression que chacun peut comprendre : la qualité du reste à vivre…
Mais c’est très subjectif ! C’est ce que soulignent les opposants à l’aide à mourir : encore un critère objectif qui saute. Encore un garde-fou qui tombe. Cette loi, disent-ils, ouvre la porte à des dérives, voire à des morts non désirées. Et à des conflits d’interprétation entre médecins et malades.
Un texte très encadré
C’est un vrai risque ? De conflits, sûrement. Mais même sans condition temporelle, le texte qui sera discuté lundi reste limitatif et très encadré, bien plus que dans beaucoup de pays. D’abord, il ne s’adresse qu’aux malades en pleine conscience, qui en feront la demande de façon libre et éclairée, et qui devront la réitérer plusieurs fois. Pas de directives anticipées. La Haute autorité insiste sur l’importance de la conversation, de la discussion continue avec le patient, « seul légitime à dire ce qui relève pour lui de l’insupportable ».
Un dernier point à retenir des exemples étrangers détaillés dans l’argumentaire de la Haute autorité. L’aide à mourir ne s’oppose pas aux soins palliatifs et inversement. En Belgique, au Canada et ailleurs, une majorité d’euthanasies ou d’aides à mourir sont pratiqués en lien avec les soins palliatifs… sur des patients qui en bénéficient.



